•  SCÈNE IX

    MARTINE, SGANARELLE, LUCAS.

    MARTINE.- Ah ! mon Dieu, que j’ai eu de peine à trouver ce logis : dites-moi un peu des nouvelles du médecin que je vous ai donné.

    LUCAS.- Le voilà, qui va être pendu.

    MARTINE.- Quoi, mon mari pendu, hélas, et qu’a-t-il fait pour cela ?

    LUCAS.- Il a fait enlever la fille de notre maître.

    MARTINE.- Hélas ! mon cher mari, est-il bien vrai qu’on te va pendre ?

    SGANARELLE.- Tu vois. Ah.

    MARTINE.- Faut-il que tu te laisses mourir en présence de tant de gens ?

    SGANARELLE.- Que veux-tu que j’y fasse ?

    MARTINE.- Encore, si tu avais achevé de couper notre bois, je prendrais quelque consolation.

    SGANARELLE.- Retire-toi de là, tu me fends le cœur.

    MARTINE.- Non, je veux demeurer pour t’encourager à la mort : et je ne te quitterai point, que je ne t’aie vu pendu.

    SGANARELLE.- Ah.


  •  SCÈNE VIII

    LUCAS, GÉRONTE, SGANARELLE.

    LUCAS.- Ah palsanguenne, Monsieur, voici bien du tintamarre, votre fille s’en est enfuie avec son Léandre, c’était lui qui était l’Apothicaire, et voilà monsieur le Médecin, qui a fait cette belle opération-là!

    GÉRONTE.- Comment, m’assassiner de la façon! Allons, un commissaire, et qu’on empêche qu’il ne sorte. Ah!traître!, je vous ferai punir par la justice.

    LUCAS.- Ah par ma fi, Monsieur le Médecin, vous serez pendu, ne bougez pas de là! 


  •  SCÈNE VII

    GÉRONTE, SGANARELLE.

    GÉRONTE.- Quelles drogues, Monsieur, sont celles que vous venez de dire ? Il me semble que je ne les ai jamais, ouï nommer.

    SGANARELLE.- Ce sont drogues dont on se sert dans les nécessités urgentes.

    GÉRONTE.- Avez-vous jamais vu, une insolence pareille à la sienne ?

    SGANARELLE.- Les filles sont quelquefois un peu têtues.

    GÉRONTE.- Vous ne sauriez croire comme elle est affolée de ce Léandre.

    SGANARELLE.- La chaleur du sang, fait cela dans les jeunes esprits.

    GÉRONTE.- Pour moi, dès que j’ai eu découvert la violence de cet amour, j’ai su tenir toujours ma fille renfermée.

    SGANARELLE.- Vous avez fait sagement.

    GÉRONTE.- Et j’ai bien empêché qu’ils n’aient eu communication ensemble.

    SGANARELLE.- Fort bien.

    GÉRONTE.- Il serait arrivé quelque folie, si j’avais souffert qu’ils se fussent vus.

    SGANARELLE.- Sans doute.

    GÉRONTE.- Et je crois qu’elle aurait été fille à s’en aller avec lui.

    SGANARELLE.- C’est prudemment raisonné.

    GÉRONTE.- On m’avertit qu’il fait tous ses efforts pour lui parler.

    SGANARELLE.- Quel drôle!

    GÉRONTE.- Mais il perdra son temps.

    SGANARELLE.- Ah! ah!

    GÉRONTE.- Et j’empêcherai bien qu’il ne la voie.

    SGANARELLE.- Il n’a pas affaire à un sot, et vous êtes très intelligent dans les affaires! 


  •  SCÈNE V

    SGANARELLE, LÉANDRE (silencieux), GÉRONTE.

    GÉRONTE.- Ah ! Monsieur, je me demandais où vous étiez.

    SGANARELLE.- Je m’étais amusé dans votre cour, à expulser le superflu de la boisson. Comment se porte la malade ?

    GÉRONTE.- Un peu plus mal, depuis votre remède.

    SGANARELLE.- Tant mieux. C’est signe qu’il opère.

    GÉRONTE.- Oui, mais en opérant, je crains qu’il ne l’étouffe.

    SGANARELLE.- Ne vous mettez pas en peine : j’ai des remèdes qui se moquent de tout, et je l’attends à l’agonie.

    GÉRONTE.- Qui est cet homme-là, que vous amenez ?

    SGANARELLE, faisant des signes avec la main que c’est un apothicaire.- C’est...

    GÉRONTE.- Quoi ?

    SGANARELLE.- Celui...

    GÉRONTE.- Eh ?

    SGANARELLE.- Qui...

    GÉRONTE.- Je vous entends.

    SGANARELLE.- Votre fille en aura besoin.


  • GÉRONTE, LUCAS.

    GÉRONTE.- Holà ! Lucas, n’as-tu point vu ici, notre médecin ?

    LUCAS.- Et oui, de par tous les diantres, je l’ai vu, et ma femme aussi.

    GÉRONTE.- Où est-ce, donc, qu’il peut être ?

    LUCAS.- Je ne sais pas : mais je voudrais l'attraper moi ce coquin qui ose faire la cour à ma femme! .

    GÉRONTE.- Cela m'importe peu! Va-t’en voir un peu, ce que fait ma fille.





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